mardi 21 octobre 2014

Planifier l’accessibilité pour transformer l’insatisfaction en réclamations



Avant de lancer les campagnes de communication pour promouvoir les réclamations (voir article précédent), il est important d’en évaluer l’impact et d’en étudier le calendrier. Il est essentiel de maîtriser la mise en œuvre d’une politique de facilitation afin de ne pas être submergé par une avalanche de plaintes, pour lesquelles les structures du Système de traitement de l’Insatisfaction Clients (STIC) ne sont pas dimensionnées.


La facilitation constitue la pierre angulaire de la démarche (voir la vidéo en annexe). C’est aussi un processus critique de la relation avec les clients puisqu’il touche à la crédibilité de l’organisation et à son capital de confiance auprès d’eux. Un couac dans ce processus est un coup dur pour son image.

Reprenons les exemples de l’entreprise de maillots de bain et de la compagnie aérienne cités dans les articles précédents. Pour la première le nombre de clients finaux insatisfaits va atteindre son maximum au mois d’aout. Ce mois constitue pour elle le creux de l’activité et généralement elle est fermée durant cette période. Il n’y a personne pour traiter les réclamations ce qui va augmenter le mécontentement des clients.

Pour la compagnie aérienne les retards et surventes, principales causes de l’insatisfaction, ont lieu en juillet-août. Durant cette période de suractivité son personnel est surchargé. Ce dernier n’a pas le temps de s’occuper du traitement des plaintes. Une campagne publicitaire d’incitation aux réclamations à ce moment va provoquer une augmentation de leur volume et on peut imaginer les retombées négatives si les ressources suffisantes n’ont pas été prévues afin d’y faire face.

Selon les secteurs, certaines périodes (mois, semaines, jours ou heures, campagne publicitaires, lancement de nouveaux produits…) constituent des pics de visites, d’appels téléphoniques, de lettres, d’e-mails et de messages sur les réseaux sociaux. L’analyse fine de l’historique des volumes de contacts permet de maitriser ces moments et de mieux les gérer lors du lancement des campagnes publicitaire et de nouveaux canaux pour les réclamations.

 

Assurer d’abord les basiques du Système de Traitement de l’Insatisfaction Clients (STIC) et ne pas se laisser attirer par les sirènes de concepts en vogue souvent non matures

 

Dans un STIC c’est d’abord la résolution des problèmes des acheteurs et l’élimination de leurs causes que l’on cherche et non un étalage de gadgets ou d’annonces. Devant le déferlement de publicités (multi-canal, omni-canal, inter-canal, 360°…) le risque est une juxtaposition de technologies différentes sans aucune synergie entre elles.

Ce patchwork est souvent le résultat d’une compétition malsaine entre les différents silos fonctionnels (Marketing, Service clients, SAV, SI, Production, Logistique…) soucieux d’afficher leur leadership technologique ou répondre à une politique d’écoute clients demandée par la Direction Générale mais non coordonnée.

La multitude des points de contacts à la disposition des clients et la complexité de leur articulation, nécessitent une étude d’impact, une coordination et une planification de leur mise en place. Il ne s’agit pas d’ouvrir le plus de canaux possibles mais mettre en œuvre ceux qui vont permettre à l’entreprise de respecter ses engagements vis-à-vis des clients et être en cohérence avec l’image qu’elle véhicule. Vaut mieux commencer par le basique (par exemple le face-à-face, le courrier et l’e-mail) et l’assurer, ensuite aller progressivement vers d’autres moyens.

Le Traitement des réclamations est un projet qui touche toutes les fonctions de l'entreprise, son réseau et ses fournisseurs


Je citerai l’exemple d’une action apparemment anodine et louable qui a abouti à une catastrophe. Le service livraison d’une société a ouvert sur une page Web un onglet de réclamations pour le réseau de distribution. Cette facilité était destinée à un nombre restreint de clients BtoB et elle était directement incorporée à un logiciel de gestion intégré (ERP : Enterprise Resource Planning). Suite à un incident le service après vente fut débordé et n’arrivait plus à répondre rapidement aux appels des clients finaux. Ces derniers se sont tournés vers le site Web et ont utilisé la fonctionnalité de l’ERP qui s’offrait à eux. La surcharge engendrée par cette activité a fini par bloquer le logiciel et la production pendant quelques jours.


Donc, avant de se lancer dans l’ouverture de canaux et de faire leur publicité il est primordial de convaincre ceux qui sont concernés que le projet mérite leur temps et leur implication. Toute action  doit être validée dans le cadre d’une gestion d’un projet global afin qu’elle ne constitue pas une brèche dans le système.

 

Intégrer la gestion des réclamations dans un cadre stratégique pour inscrire ses effets dans les gènes de l’entreprise

 

La facilitation des réclamations va nécessiter :

  • de remettre en cause les modes de fonctionnement existants
  • de définir des objectifs et les moyens de les atteindre
  • d’en étudier la faisabilité et la rentabilité.

Le STIC se construit dans la durée et fait partie du plan stratégique de l’organisme. A cet effet il doit être planifié et contrôlé dans ce cadre. Pour le réussir il faut prévoir l’accompagnement du changement qu’il engendre, avec une coordination au plus haut niveau, la communication, la formation et un plan d’action évolutif. Pour inscrire ses effets dans les gènes de l’entreprise, des actions déterminantes sont à entreprendre :

-       L’intégrer dans le plan stratégique et le décliner en objectifs tangibles pour tous les services (délai de réponse, taux de satisfaction, actions correctives, rentabilité…).
-       Désigner au niveau du comité de direction un « sponsor des clients insatisfaits » qui sera responsable de ce projet. Il faut un dirigeant de haut calibre respecté par ses pairs.
-       Evaluer l’impact sur toutes les fonctions et calculer le ROI.
-       Planifier les moyens humains et matériels nécessaires à toutes les entités concernées par la mise en œuvre d’un canal.
-       Suivre en comité de direction régulièrement les résultats et les communiquer.
-       Communiquer en interne et former le personnel.

La mise en œuvre de l’incitation aux plaintes doit donner lieu à :

-       L’analyse du système existant par types de réclamations, catégories de clients et de produits, canaux… l’étude des temps de traitement par phase, entité, canal… et les couts associés.
-       La détermination de la qualité d’accessibilité ciblée par canal avec les temps d’accès pour les clients ainsi que les délais de réponse maximum et intermédiaires. Un haut niveau d’accessibilité et de FCR (First Contact Resolution / Résolution au Premier Contact) doit être visé pour chaque canal.
-       L’estimation du volume de réclamations projetées par canal
-       La planification des ressources humaines et matérielles nécessaires.

Estimer les volumes de réclamations

 

L’expérience des entreprises ayant mené des démarches d’incitation des clients à réclamer montre que le nombre des plaintes augmente très rapidement avant de régresser (voir article Démarche à 4 temps). L’estimation des volumes futurs est un exercice délicat dans la mesure où ce n’est pas une science exacte. Il dépend de plusieurs facteurs (canaux utilisés, profil des clients, critères sociaux-professionnels, culture, région, marché, concurrence, réglementations…) et de leurs évolutions.

Néanmoins l’analyse de l’existant, la consultation des études sectorielles dans le domaine ou des domaines proches, les standards du marché et le benchmarking fournissent des aides appréciables pour l’amélioration des calculs. Il est plus pragmatique de passer par une période d’observation ainsi qu’une mise en œuvre graduelle. Elles permettent d’affiner les estimations et d’adapter le plan de mise en place.

Estimer les délais de traitement des réclamations clients

 

D’autre part les répartitions des plaintes par canal et leurs temps de traitement permettent d’estimer le personnel nécessaire. Le temps de traitement étant une projection à partir de données existantes, l’introduction d’un nouveau système va engendrer des différences entre les estimations et la réalité (temps d’adaptation et d’apprentissage, amélioration ou dégradation de la productivité…). Pour éviter les risques d’une sous-estimation ou d’une surévaluation, il est plus efficace de passer par une période de test sur un site pilote et de déployer progressivement (Cf. l'étude  de Harvard Business School en annexe : Experiment with Organizational Change Before Going All In). 

 

Tenir compte des répercutions de la saisonnalité des activités sur le traitement des insatisfactions clients


Le calendrier de mise en œuvre doit faire pour sa part l’objet d’une attention particulière. Certaines périodes sont à éviter pour le lancement de nouveaux canaux ou l’extension de ceux existants. La saisonnalité des réclamations, le lancement de nouveaux produits, les changements de systèmes d’informations sont entre autres des périodes à éviter.

La saisonnalité des plaintes en été pour les voyages, après Noël pour les jouets ou les situations particulières (rappel des voitures pour l’industrie automobile par exemple) vont demander des moyens exceptionnels pour y faire face. Aucun organisme, pour des raisons évidentes de couts, ne peut se dimensionner sur des pointes. Il faut prévoir des solutions d’ajustement temporaire, la sous-traitance peut être envisagée pour ces cas. Encore faut-il qu’ils fassent l’objet d’exercices réguliers de simulations afin de pouvoir mieux maitriser les situations réelles.

Cartographier et Planifier tout le processus : du point d'accessibilité  client au back-office


La planification intègre  les délais de formation en Relation Clients, sur les outils et les procédures . L’une des principales raisons d’échec de ce type de projet est l’insuffisance de la formation et de l’accompagnement du personnel propre et des sous-traitants du Centre de Relation.  

En fonction des choix des canaux il est nécessaire d’acquérir les ressources technologiques adéquates (ACD*, CTI*, Site Web, scanners, fax, GED*, OCR*, CRM* …). Les délais d'achat, d'installation et de prise en main par les équipes impactent aussi le calendrier.

Toute la chaine de traitement est concernée par la planification, y compris les fonctions de back-office ainsi que les réseaux amont et aval. La cartographie sous forme de logigrammes (blueprints) des circuits des différents types de réclamations s'avère d'une importance primordiale pour maitriser non seulement la planification du déploiement de la Facilitation des réclamations mais tout le processus opérationnel du STIC.  

 

La Facilitation des réclamations est l'emballage du STIC 

 

La Facilitation crée une attente et une image que le client vérifie à un moment critique lorsque la relation avec l’entreprise est en danger. Ce processus produit la première impression qu’a le client du traitement de l’insatisfaction par l’organisme. Ce sentiment est déterminante pour la suite. On peut faire un parallèle avec l’emballage d’un produit : plus il est attrayant plus le client insatisfait s’engagera dans le processus d’expression de son mécontentement.

D'autre part, la Facilitation des réclamations est le processus qui assure la rentabilité du STIC en maintenant la confiance les clients insatisfaits le temps de trouver une solution juste à leur problème et les retenir. Le dernier graphe sur la vidéo montre clairement cette contribution.  

Le succès du STIC dépend de la mise en place de l'accessibilité aux réclamations dont la réussite dépend pour sa part d'une bonne planification. 

Les prochains écrits vont être consacrés à la réception, au traitement et aux réponses aux plaintes. C'est-à-dire ce que va découvrir l’acheteur insatisfait une fois qu’il aura franchi la porte du STIC.

Yassin Simou



*Glossaire :
CTI : Couplage Téléphonie Informatique
ACD : Automatic Call Distribution
GED : Gestion Electronique des Documents
OCR : Optical Character Recognition (Reconnaissance Optique de Caractères)
CRM : Customer Relationship Management




Retrouvez les articles relatifs au processus de Facilitation des Réclamations

·         Pourquoi transformer l’insatisfaction en réclamations (publié)
·         Comment transformer l’insatisfaction en réclamations
o       3 mesures pour transformer l’insatisfaction en réclamations (publié)
§         Le Choix des canaux proposés aux clients (publié)
§         10 canaux pour réclamer : Etude comparative (publié)
§         La communication sur les facilités de dépôt des plaintes (publié)
§         La planification de l’accessibilité du dépôt des réclamations

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