L’utilisation
par le consommateur des canaux de réclamation dépend de plusieurs éléments,
dont son profil, le produit, l’effort à accomplir... Un client final en B to C
ne réagira pas comme un organisme en B to B dont les relations sont plus
normées par des contrats, commandes… Illustrons la problématique
du choix des canaux de réclamation par les exemples d’une entreprise de
confection de maillots de bain et d’une compagnie aérienne.
L’entreprise
de maillots de bain a deux types de clients : les revendeurs (magasins de
vêtements ou site d’e-commerce) et les clients finaux avec lesquels elle n’est
pas en contact lors de la vente. Pour les revendeurs les problèmes apparaissent
dans un premier temps lors de la mise en rayon des nouvelles collections. Ils
sont d’ordre logistique (de délai d’approvisionnement, de quantités,
d’assortiments, de facturation…). En cas d’urgence ils vont s’adresser aux
commerciaux par téléphone, autrement ils utiliseront l’écrit (courrier ou
courriel).
Si
les maillots présentent un défaut à l’usage, les consommateurs réagissent quelques
mois plus tard, en l’occurrence l’été. Ils s’adressent soit à l’entreprise directement,
soit aux magasins. Ces derniers traitent le problème d’abord avec le client selon
leur politique. Ensuite ils remontent l’information au fournisseur, ils
utilisent en général l’écrit. Les consommateurs s’ils s’adressent au fabricant,
ils le font via le service client à condition qu’il soit facilement accessible.
Sinon ils risquent d’étaler leur mésaventure sur la place publique via les
réseaux sociaux ou le bouche à oreille.
Les
clients de la génération "Y" d’une compagnie aérienne ayant acheté leurs
billets à bas tarifs sur Internet, se tournent en cas de problème vers les canaux
les moins chers tel que le site de l’entreprise ou les réseaux sociaux pour se
plaindre. La clientèle haut de gamme, plus rentable, s’adresse à son agence de
voyage ou à la compagnie par téléphone ou par écrit. Néanmoins, les deux
catégories de consommateurs avant de réclamer formellement à froid, vont se
trouver au moment de l’incident en face-à-face avec le personnel.
Ces
exemples montrent que le mécontentement s’exprime de différentes façons et à
différents moments. Pour le capter, l’organisation doit donc étudier et retenir
les canaux les plus adaptés à l’image qu’elle veut véhiculer, à ses prestations,
aux segments de clients, aux moments d’expression de l’insatisfaction, à sa
politique tarifaire et de coûts… Une compagnie à bas couts n’a pas la même
stratégie qu’une compagnie traditionnelle.
Les
couts de l’expression de l’insatisfaction étant généralement plus élevés que ceux
de la défection, le consommateur aura de moins en moins tendance à se plaindre
lorsque le nombre de concurrents entre lesquels il peut partager ses achats se
multiplie. Mais d’autre part, les réclamations augmentent en proportion inverse
de leurs couts, d’où la nécessité de faciliter la prise de parole en diminuant le
prix matériel, pécuniaire et psychologique pour chaque canal proposé au dépôt des
plaintes.
Dans
une insatisfaction il n’y a pas que le coté tangible il y a aussi le côté
émotionnel. Ce dernier laisse des traces plus durables chez le client et pèse
beaucoup plus dans sa fidélité. (Voir encadré : les 10 raisons pour
lesquelles les clients réclament). Tout canal d’expression de l’insatisfaction doit
être choisi et implémenté en tenant compte des émotions des plaignants. Le canal
le plus adéquat pour un client en colère à l’aéroport quand il vient de rater
son vol n’est pas le même que pour celui dont l’élastique du maillot de bain a lâché
sur la plage. Pour le premier le meilleur moyen est le face-à-face, pour le
second le téléphone ou l’écrit sont bien adaptés.
70% des clients réclamants préfèrent les canaux avec interaction humaine, car tout mécontentement comporte un aspect émotionnel
Les
études montrent que les canaux avec interaction humaine (téléphone et
face-à-face) sont les plus utilisés par les clients insatisfaits. Le classement*
en part d’utilisation est le suivant :
Canaux
avec interaction humaine (70%)
1.
Téléphone
2.
Face à Face
Canaux
sans interaction humaine (25%)
3.
Courrier
4.
E-mail
5.
Serveur Vocal Interactif
Les
nouveaux modes de contacts mixtes (5%)
6.
Sites Web
7.
La Vidéo sur
Web (visioconférence type Skype ou «
streaming » type Youtube)
8.
Réseaux sociaux
9.
Rappel
Automatique
10.
Self-Care et Fonctionnalités
inter-canal
70% des clients réclamants préfèrent les canaux avec
interaction humaine. Cela est normal car toute réclamation comporte un aspect
émotionnel. Dans cette catégorie le téléphone est privilégié, car il nécessite
moins d’efforts que le face-à-face. Par contre il crée le plus
d’insatisfactions notamment à cause du temps d’attente. Le face-à-face est
apprécié quant à lui pour la résolution des problèmes au premier contact.
Les écrits (courrier et courriel) représentent le deuxième
groupe de canaux utilisés par les consommateurs (25%). Ces canaux sont plus
prisés en B to B pour leur traçabilité Ils ont pour leur part des taux de
résolution au premier contact meilleurs que le téléphone. Les nouveaux modes de
contact via les sites Web et les applications mobiles, bien que mieux appréciées
que les canaux classiques, sont peu utilisées par le consommateur final pour les
plaintes (5% dont 3% pour le site Web).
Le client peut utiliser plusieurs canaux pour une même réclamation en fonction de son état et besoin du moment
L’utilisation d’un canal par un consommateur ne veut
pas dire un usage exclusif de ce moyen. En réalité le client peut combiner
plusieurs canaux, par exemple : le site Web pour chercher le numéro
d’appel du Service Clients et le téléphone pour exposer son problème. Un client
mécontent qui n’arrive pas à résoudre son incident par des voies médiatisées va
se tourner vers l’interaction humaine pour en découdre et exprimer ses
sentiments.
Le
choix du consommateur va déprendre de facteurs externes et de facteurs propres à
chaque individu à un moment donné :
- sa phobie et son anxiété face à la technologie
- son besoin en relation humaine
- son état physique et psychologique (fatigue, santé, irritabilité…)
- son expérience passée
- ses motivations propres (estime et contrôle de soi) ou de récompense (gain de temps, d’argent, d’efforts…)
- ses caractéristiques démographiques (âge, sexe, niveaux de revenu et de formation…)
- sa localisation (maison, bureau, magasin, rue, hôtel…)
- son vécu de l’incident (seul ou en groupe, impact sur son ego, pertes perçues, le délai entre la perception de l’insatisfaction et le moment de la réclamation…).
Pour réussir le choix de vos canaux de réclamations, 3 impératifs à respecter :
1. Choisissez les canaux dans le cadre de la stratégie marketing de votre entreprise
S’il
doit être facile pour le client de réclamer à travers différents canaux, l’organisation doit les choisir, comme pour la
vente, dans le cadre de la définition de sa stratégie
marketing (marketing mix). Il est nécessaire de partir d’un diagnostic
interne/externe de l'entreprise, la segmentation du marché, le positionnement
de la marque et de chacun de ses produits ou services.
Chaque Produit, chaque segment de client et chaque canal a ses
caractéristiques. Pour en savoir plus sur les caractéristiques de chacun des
canaux reportez-vous à l’étude comparative de 10 canaux pour
réclamer (Parution le 06/10/14 sur ce
blog).
Un même canal ne répond pas aux mêmes objectifs pour la vente et l’après
vente. Dans le cas du face-à-face ou au téléphone le profil "vendeur pur"
n’est pas le plus approprié au besoin d’écoute et d’empathie des plaignants. Cela
suppose des formations adéquates. Une interface Web pour les réclamations doit être
plus sobre que celle de vente, par exemple en évitant des publicités dont l’une
d’elles est peut être mise en cause.
Les indicateurs de performances aussi ne
sont pas les mêmes pour les deux activités. Pour la vente le chiffre d'affaire et le
nombre de clients traités sont importants alors que pour les plaintes ce sont les
taux de satisfaction et de résolution des problèmes des clients qui priment.
Il est important d’identifier les triplets (Points de contact,
Produits, Segment de clients) et faire des regroupements homogènes. Cette
cartographie est essentielle même si parfois elle est très compliquée comme le
montre celle du graphe ci-contre pour un client âgé d’un centre de soins. Pour ces
cas complexes il existe actuellement des solutions logicielles.
L’organisme choisit ensuite parmi les canaux ceux qui sont adaptés à chacune des combinaisons des trois éléments et aux émotions négatives d’un client insatisfait. Toutes les caractéristiques des canaux, comme leur taux d’utilisation, ne doivent pas être discriminantes. Par exemple, les nouveaux modes de contact de type Internet sont primordiaux pour un site d’e-commerce alors qu’ils sont secondaires pour d’autres commerces.
Il ne faut pas oublier que pour un STIC (Système de Traitement de l’Insatisfaction Clients) on doit aussi avoir un niveau de réflexion stratégique, ce qui accessoire aujourd’hui ne l’est peut être pas dans l’horizon temporel de 10 ans de la stratégie. Nous reviendrons sur cet aspect dans le dernier article sur la Facilitation des réclamations : La planification de la mise en œuvre (Parution le 20/10/14).
2. N’oubliez pas la transversalité des canaux : avoir à se répéter est l’un des principaux irritants du client mécontent
D’autre
part, pour chaque canal il faut considérer l’entité responsable, les modalités
de fonctionnement ainsi que les liaisons avec les autres canaux. La
transversalité multi-canal doit être assurée, le client ne doit pas réexpliquer
son problème à chaque fois qu’il change de canal ou d’interlocuteur. Se répéter
est l’un des principaux irritants d’un client mécontent, cela constitue pour
lui non un effort en plus mais un supplice en plus.
Relier
les processus internes et les systèmes des divers canaux (magasins, boutiques
en ligne, centres d’appels, applications mobiles, logistique) demande un
engagement fort de la Direction Générale, une organisation adéquate, la
collaboration avec des partenaires externes ainsi qu'une communication interne permanente.
Les outils tels que des logiciels de CRM ne pallient pas les dysfonctionnements
organisationnels ils les amplifient, alors qu’ils peuvent apporter une réelle
valeur ajoutée.
3. Offrez le service mais vérifiez le ROI : il faut que gratuité rime avec rentabilité
Enfin,
la gratuité du service est une nécessité pour la facilitation des plaintes. Elle
est le premier incitateur des réclamations. Un numéro d’appel gratuit double le
nombre de réclamants ce qui permet d’en fidéliser plus. Par exemple Paypal aux
Etats-Unis, prend en charge les frais postaux de retour si un client mécontent
veut renvoyer un produit payé via ce système. Il faut néanmoins que gratuité
rime avec rentabilité qui est l’objectif du STIC, il ne faut pas oublier de
vérifier le ROI. Le calcul du retour sur investissement des solutions doit
permettre d’écarter celles qui ne présentent pas d’intérêt pour le client et
l’organisme.
Nous
avons abordé trois P du marketing mix des réclamations : Place, Produit et
Prix. Nous traiterons dans un article suivant le quatrième P, la Publicité des
possibilités offertes aux clients pour se plaindre. Cette dernière est le
stimulant de l’expression des clients insatisfaits.
* Observatoire des Services Clients 2013 - Bva
Quelques liens
intéressants :
http://www.relationclientmag.fr/thematique/acteurs-strategies-1014/infographies/les-marques-fran-aises-faces-enjeux-experience-client-omnicanal-ligne-237032.htm (Infographie
Expérience client en ligne : où en sont les marques françaises ?)
http://www.easi-crm.com/leblogdelarelationclient/le-consommateur-ne-veut-pas-payer-le-prix-du-service-client/?utm_source=wysija&utm_medium=email&utm_campaign=BlogRC
(Service client : le consommateur ne
veut pas payer le prix, Charlotte Desrosiers, 25 septembre 2014)
http://www.orange-business.com/fr/magazine/les-etapes-cles-d-un-parcours-client-reussi
(Les étapes clés d'un parcours client
réussi, 4 Mai 2012)
http://blogs.gartner.com/tad-travis/2014/08/21/do-we-serve-the-customer-or-serve-the-process/?fnl=search&srcId=1-3478922254 (Do we Serve the Customer or Serve the Process, by Tad
Travis, August 21, 2014)
http://www.e-marketing.fr/Thematique/Etudes-1007/Breves/marketing-mobile-epreuve-ROI-245784.htm?utm_source=EMKG_25_09_2014&utm_medium=e-mail&utm_campaign=newsletter&XType=XTM&isn=25/09/2014
(Le marketing mobile à l'épreuve du ROI,
Philippe Crouzillacq, 24/09/2014)
http://www.easi-crm.com/leblogdelarelationclient/misez-sur-le-self-care-pour-alleger-vos-couts-de-service-client/
(Misez sur le self-care pour alléger la
charge et les coûts de votre service client Olivier Franchesquin, 16 septembre
2014)
http://visionmarketing.e-marketing.fr/marketing-management/avec-le-digital-les-magasins-deviennent-des-points-de-contact_a-100-2845.html (Avec le digital, les magasins deviennent des points de contact)
http://eptica.wordpress.com/2014/10/31/meeting-rising-customer-expectations-on-social-media/ (Social customer service: the benefits and challenges)
http://csi.softwareadvice.com/3-ways-to-offer-callback-0614/ (You Need to Offer Callback—Here Are 3 Ways to Get It)
Retrouvez les articles relatifs au processus de Facilitation des Réclamations
· Pourquoi transformer l’insatisfaction en réclamations (publié)
· Comment transformer l’insatisfaction en réclamations
o 3 mesures pour transformer l’insatisfaction en réclamations (publié)
§ Le Choix des canaux proposés aux clients (publié)
§ 10 canaux pour réclamer : Etude comparative (publié)
§ La communication sur les facilités de dépôt des plaintes (publié)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire